Sur l’enregistrement, une opératrice soupire : « La dame que j’ai au bout du fil, elle a appelé la police. » « C’est parce qu’elle a la grippe, c’est ça ? », répond l’autre. « Elle m’a dit qu’elle va mourir. Et ça s’entend, qu’elle va mourir. » Des rires gras ponctuent la discussion.
Naomi Musenga est morte quelques heures plus tard. Elle avait 22 ans, elle était mère d’une petite fille. Après avoir réussi à appeler SOS Médecins au terme de cinq heures d’attente, elle a été transportée, encore consciente, à l’hôpital par le SAMU. Elle a fait deux arrêts cardiaques, a été transférée en réanimation et est morte à 17 h 30, le 29 décembre 2017.
Selon le rapport d’autopsie, que nous nous sommes procuré, Naomi Musenga a succombé des suites d’une « défaillance multiviscérale sur choc hémorragique », c’est-à -dire que plusieurs organes s’étaient arrêtés de fonctionner, un syndrome pouvant résulter de facteurs variés. L’autopsie du corps a été pratiquée le 3 janvier – soit cent douze heures après la mort de la jeune femme. Elle rapporte que le corps de Naomi Musenga était alors en « état de putréfaction avancée multiviscérale ». Il est pour l’heure impossible de savoir si ce défaut de prise en charge initial a aggravé ou non sa situation.
« Cela paraît tellement gros mais, pourtant, tout est vrai », lâche, dans un soupir, Thierry Hans. Directeur de la publication du site Heb’di, « le lanceur d’alerte alsacien », qui a révélé l’affaire, il a été contacté par la famille Musenga peu de temps après la mort de la jeune femme. Aucun autre média local ne s’est fait l’écho de ces faits.
« Une enquête est en cours. On ne dira rien de plus »
L’hôpital de Strasbourg confirme que l’enregistrement du SAMU est authentique, mais il se refuse à tout commentaire supplémentaire. « On a fait un communiqué de presse, une enquête est en cours. On ne dira rien de plus », dit l’établissement. En onze lignes, ce texte succinct présente les condoléances de l’hôpital à la famille et annonce qu’une enquête administrative a été ouverte le 3 mai – soit six jours après la publication de l’enquête d’Heb’di, et cinq mois après la mort de Naomi Musenga.
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